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mardi 13 septembre 2011

A propos d' Otto DIX

Autoportrait d'Otto DIX, peintre du début du XXème siècle



"La jeune fille et la mort"
J'aime particulièrement cette oeuvre d'Otto Dix. La jeune fille, ronde, voluptueuse, aux petits seins presque juvéniles,  le pubis gonflé, son sourire à la fois narquois et espiègle, est une véritable invitation à l'amour et au sexe. Elle ne regarde rien de particulier et tel Guignol dans son petit théâtre, ne devine pas ce qui arrive dans son dos: la mort, patiente, veille dans une posture d'écoute indiscrète. ses chairs sont brunes comme un cadavre en début de décomposition et la main levée, attend son heure. On ne voit jamais de "jeune homme et la mort", comme si la décrépitude ne menaçait que les femmes.. sans doute parce qu'elles sont encore le symbole absolue, du désir de toute chose avant de ne tout perdre en une seule et radicale fois. Mais j'aurai l'occasion de revenir sur ce sujet...

triptyque de "la guerre" et sa prédèle
Ayant lui même été soldat durant la première guerre mondiale, Dix a beaucoup travaillé sur ses ressentis d'après guerre. Cette oeuvre est pour moi la plus belle vision du monde de l'horreur et de sa violence. Le tableau est rempli d'odeurs insoutenables, mélanges de poudre, de souffre, de sang, de boue, de chair en décomposition. Des vapeurs nauséabondes semblent sortir du sol, jusque vers un infini de glace désertique, pour s'engouffrer dans les pores de ceux qui sont encore en vie. La mort domine la composition, pointant du doigt le spectacle dont elle parait si fière. Mais elle même, tel un étendard abîmé et déchiré,  est abandonnée à son sort, pendouillant à l'extrémité d'une branche prête à céder sous ce qui lui reste de poids. Elle est aussi une victime comme celles, innombrables, qui sont aussi représentées dans d'autres tableaux (voir ci dessous). La composition, le choix du triptyque, les morts du dessus et celui de dessous, les vivants, hagards et robotisés, les lointains grisés, me rappellent ce fameux film des "croix de bois". Ce qui me pose aussi la question, en tant que peintre du XXIème siècle, n'ayant pas connu la guerre implicitement, mais constamment spectateur de ses atrocités par les media, comment pourrait-on encore concevoir une telle peinture aujourd'hui? Comment parler de l'horreur de manière authentique sans sombrer dans la sensiblerie sans conséquence? Comment parler des victimes de plus en plus nombreuses chaque jour pour couper court à l'indifférence?  Le peintre est-il encore un témoin de son temps?
Toutes ces questions me viennent chaque jour, là où l'artiste moyen contemporain n'a de cesse que de vendre sa marchandise, de se positionner sur un marché de l'art détenu par quelques- uns? Là où les lobbies de toutes sortes et de toutes couleurs politiques n'en finissent pas de s'en mettre plein les poches sur la misère du monde?