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samedi 10 septembre 2011

Le regard de "La jeune fille à la perle"

"la jeune fille à la perle", par  Johannes Vermeer, peint vers 1665
Il n'y a rien d'original à apprécier ce fameux tableau. Pourtant, cette image me hante particulièrement et reste assez unique dans la peinture flamande. Je vous conseille d'ailleurs le très beau film de  Peter Webber, réalisé en 2003, qui relate une histoire d'amour platonique romancée et fictive entre le peintre et son modèle. Ce qui me point dans ce tableau, c'est le regard de la fille qui semble nous interpeler mais qui en réalité ne nous voit pas. Elle est concentrée sur quelque chose qui n'est pas nous, sans doute une autre personne. Elle observe un léger "à côté" en dehors du tableau qui nous dématérialise complètement. Un regard trop fixe aurait été vulgaire, interrogateur, inquisiteur, et le portrait n'aurait pas du tout été le même.

A ses yeux fait écho la perle: mini miroir à 360 degrés qui aurait pu refléter le monde extérieur. Cette perle nous indique la direction de la lumière et pointe surtout cet ailleurs que seule la jeune fille connait et qui nous est tout à fait étranger; mieux, nous en sommes exclu. Le bijou, simple, rond, sans détail d'orfèvrerie, reste accroché par magie dans un petit recoin vide de son cou que l'on aimerait caresser ou embrasser. Ce petit espace sombre de son anatomie en est d'autant plus mystérieux, fragile et érotique. Cette fille est à aimer, à prendre dans ses bras mais n'appartient à personne sinon au peintre lui même (d'où l'histoire d'amour).

Il forme aussi un triangle avec les yeux, donnant un sommet supplémentaire à cette figure qui nous permet de nous échapper de son regard: sans cette perle, elle nous hypnotiserait et nous posséderait dans une relation intime que refuse le peintre: elle est à lui, et pas à nous. la perle nous regarde aussi mais pour nous signifier la froideur de son aspect presque métallique, pour nous rappeler que le monde est chose matérielle, avec ses codes et ses hiérarchies sociales, et que le bonheur n'est pas accessible en ce monde. Outre son rôle plastique dans l'ensemble de la composition, la perle est à la jeune fille ce qu'une armure est au chevalier: un rempart de protection qui nous éjecte dans notre propre réalité et surtout pas dans la sienne.

Ce regard à la fois doux et énigmatique appelle à l'empathie, à partager son sentiment et son âme. Elle ne cherche pas à nous séduire (et c'est peut-être aussi cela qui est tant séduisant dans ce tableau), ni à nous questionner ou à chercher notre intervention. Mais sa douceur extrême convoque en moi tout ce que j'ai d'humanité et j'en oublie presque le monstrueux qui est en moi. Elle ne me regarde pas tout à fait, comme pour me dire que je suis autre chose que ce que je ne parais, et du coup, je m'en sens meilleur. Je me sens amoureux de cette femme, prêt à lui donner tout ce que j'ai et pourtant, ce n'est qu'un tableau et cette femme n'existera jamais que dans mon imaginaire: c'est bien une icône.

vendredi 9 septembre 2011

Lucian Freud et moi


 






Ce qui me touche particulièrement dans l'oeuvre de Lucian Freud, c'est sa capacité à rendre le réel dans une impression de silence où un drame latent semble être joué mais où, en même temps, rien ne se passe, comme si les êtres étaient à la fois vivants et empaillés.
L'acuité de son regard est absolument incroyable, bien au delà des hyperréalistes qui utilisaient la photographie, c'est sa seule capacité à observer le réel qui lui permet de rendre chaque détail sans que ces détails ne nuisent à l'ensemble. de plus près, tout semble ébauché et pourtant, tout est là!  Le jour où j'arriverai à cela n'est pas encore venu...






 Parfois, cette acuité visuelle confine au monstrueux car les corps deviennent plus réels que dans leur propre réalité: personne ne regarde aussi intensément ses propres congénères. ce qui produit un effet d'intimité, qui nous autorise à entrer dans l'espace même de chaque être humain, et à la fois, nous en éloigne par son imposante présence, presque envahissante.

Par contre, ce que je lui "reprocherais", c'est de finalement aboutir un résultat où les corps sont juste posés comme de la viande, sans vie personnelle, sans passé ni avenir, sans mémoire, sans identité propre sinon celle de l'épiderme. Les personnes sont rarement dans leur décor personnel, elles restent des accessoires de natures mortes. Mais quel est alors le rôle du peintre? Se doit-il de rentrer dans la réalité sous tous ses angles? Ou peut-il simplement rester en dehors, comme pour s'en préserver? j'aimerais en savoir plus sur cette grosse dame... mais le peintre a choisi de ne rien m'en dire sinon qu'elle est obèse. et cela, ne me convient pas vraiment. Mais c'est peut-être mieux ainsi? Mieux vaut ne pas trop en savoir en l'occurrence... nous en serions trop affectés.


jeudi 8 septembre 2011

Un aperçu de mon ancien travail

Avant,  je n'étais pas vivant et je ne peignais que des choses mortes..



"le torchon"  huile s/toile, 50x70 cm, 2011 
C'est un ami qui a posé pour moi, en faux cadavre sur le sol de sa cuisine, comme une de ces nombreuses victimes de meurtres et de violences que l'on retrouve ici et là sans que personne ne s'en soucie.



"faces cassées 1", huile s/toiles (40x40 cm chaque), 2011
Comme de nombreuses personnes dans le monde, ces gens sont morcelés, défigurés par accident ou intentionnellement. Elles ont perdu le droit à l'identité iconographique, identité que je leur rend ici au delà des faces cachées de leur personnalité réelle.